mardi 4 juin 2013

José Saramago

Écrivain portugais (1922-2010), une des personnalités majeures de la littérature portugaise de la fin du XXe et du début du XXIe siècle. Prix Nobel de littérature en 1998, ses œuvres d’une grande originalité et parfois provocantes, n’ont pas toutes été bien accueillies au Portugal. José Saramago a vécu en exil dans l'île de Lanzarote, de l'archipel espagnol des Canaries. Très engagées à gauche, ses prises de positions font de lui une conscience morale, parfois contredite, mais entendue dans le monde entier. José de Souza Saramago est né en 1922 dans une famille pauvre du Ribatejo, à Azinhaga. À l’âge de deux ans, il est venu vivre à Lisbonne où son père était policier. L’écrivain évoque souvent ses grands parents ouvriers agricoles et son arrière grand-père d’origine berbère. « Mes grands-parents s'appelaient Jerónimo Melrinho et Josefa Caixinha. Ils étaient analphabètes l'un et l'autre. L'hiver, quand le froid de la nuit était si intense que l'eau gelait dans les jarres, ils allaient chercher les cochonnets les plus faibles et les mettaient dans leur lit. Sous les couvertures grossières, la chaleur des humains protégeait les animaux du gel et les enlevait à une mort assurée. Ils étaient de bonnes personnes mais leur action, en cette occasion, n'était pas dictée par la compassion : Sans sentimentalisme ni rhétorique, ils agissaient pour maintenir leur gagne-pain avec le comportement naturel de celui qui, pour survivre, n'a pas appris à penser plus loin que l'indispensable. Souvent j'ai aidé mon grand-père dans son travail de berger, je creusais la terre de la ferme, je sciais le bois pour la cheminée, j'ai fait tourner tant de fois la roue qui amenait l'eau du puits communautaire. Eau que bien des fois j'ai transportée sur les épaules en cachette des hommes qui gardaient les surfaces cultivées. Avec ma grand-mère, au crépuscule, je me souviens d'être allé glaner la paille qui servait ensuite de litière au troupeau. » (extrait du discours de José Saramago devant l'Académie royale de Suède à l'occasion de son Prix Nobel, 7 décembre 1998 – traduit par Gérard Nosjean). « Saramago aurait pu ne jamais être Saramago. Il doit son nom d'écrivain à un employé de mairie, soudain fantasque, comme il en imaginera souvent dans ses livres. Il aurait dû s'appeler José de Souza, tout comme son père, mais le fonctionnaire ajoute au patronyme, le sobriquet familial : Saramago, qui veut dire "raifort sauvage". Personne ne s'en apercevra. "C'est quand il a fallu présenter des papiers pour l'école - j'avais sept ans - que mon père a découvert que son fils s'appelait Saramago." Un tel début prédisposait à s'intéresser à Pessoa. » (Alain Salles, Le Monde, mars 2000) Adolescent, il doit abandonner le lycée pour raison financière et suivre une formation de serrurier. Autodidacte, il exerce divers métiers (dessinateur industriel, correcteur, chargé de la fabrication chez un éditeur). Il travaille douze ans dans diverses maisons d'édition, puis dans des journaux. Il s’essaie à l’écriture et publie son premier roman, Terra do pecado (Terre du péché), en 1947. Un deuxième roman aurait dû suivre, il est refusé partout. Sa publication suivante, un recueil de poèmes (Os Poemas possiveis), ne paraît qu’en 1966 et il attendra encore dix ans avant de pouvoir se consacrer pleinement à l’écriture. Membre du Parti communiste depuis 1969, José Saramago a été partie prenante de la révolution des œillets, en 1974. Il devient numéro deux du Diaro des Noticias, il est licencié un an après, quand les communistes sont vaincus. De 1975 à 1980, Saramago gagne sa vie comme traducteur. « Je me suis dit : c'est le moment ou jamais de savoir si tu pourras être ce que tu crois que tu es : un écrivain. » C’est qu’à 58 ans qu’il entre véritablement en littérature, avec son roman, Levantado do Châo paru en 1976. Mais, c’est Le Dieu Manchot qui lui donnera une véritable notoriété littéraire. Publié en France en 1987, ce roman a rencontré un succès international. En 1992, le gouvernement portugais l’accuse de « porter atteinte au patrimoine religieux des Portugais » et censure l’Évangile selon Jésus-Christ parce qu’il heurtait la sensibilité catholique (Jésus y fait l’amour avec Marie-Madeleine), José Saramago a quitté le Portugal (mais il lui a dédié son Nobel) et vit sur l’île pelée de Lanzarote, Canaries, avec sa femme espagnole. La production littéraire de José Saramago, qui s'élève à une trentaine d'œuvres, comprend, non seulement de la prose, mais aussi de la poésie, des essais et des pièces de théâtre. Son œuvre a été traduite dans plus de 25 pays. Le Dieu manchot, publié en France en 1987, a rencontré un succès international. Saramago a reçu en 1995 le prix Camõens, la plus haute distinction des lettres portugaises, et le prix Nobel de la littérature en 1998. « L'art romanesque de Saramago, développé avec obstination et présentant des profondeurs insoupçonnées, place l'écrivain à un rang élevé. Avec toute son indépendance, Saramago se rattache à la tradition d'une façon qu'on peut, dans le contexte actuel, qualifier de radicale. Son œuvre se présente comme une série de projets, où l'un désavoue plus ou moins l'autre, mais où tous constituent de nouvelles tentatives pour cerner une réalité fuyante. » (commentaire de l’Académie suédoise) « Saramago a commencé à écrire très tard parce qu’avant il n’avait rien à dire, malgré un premier roman paru en 1947. "Je n’attendais rien. On n’attend pas, on ne fait pas que ça arrive. Attendre quoi ? Comment peut-on savoir que le jour arrivera ?" Ses vrais premiers romans, publiés au début des années 1980, participent au boom du roman historique au Portugal. Aujourd’hui, l’Histoire tend à s’effacer, mais pas la mémoire. "La littérature a un rapport étroit avec la mémoire et on ne peut pas en parler en faisant semblant d’oublier pas seulement la mort mais surtout les morts. Dans tous mes romans, il y a un cimetière, mais ce n’est pas morbide. C’est comme si je me disais : voilà la mer, voilà la vague qui vient avec, l’écume qui est là, le soleil qui baigne tout, et nous, les vivants d’aujourd’hui, nous sommes cette vague poussée par la mer. J’ai cette idée du temps comme si j’étais vivant aujourd’hui, hier, avant-hier, au XIXe, au XIVe siècle, comme si j’étais là depuis toujours. Je porte en moi le temps tout entier, alors pas les morts, la mémoire, la mémoire." » (extrait d’un article de Stéphane Bouquet, Libération, 16 mars 2000) « L'écriture de Saramago procède souvent par phrases amples, ourlées, semées d'incidentes au cours desquelles la ponctuation témoigne de velléités d'indépendance. Cela se mérite, de lire Saramago. Il ne quête pas l'approbation immédiate, jouit des méandres de sa pensée, vous y entraîne pour peu qu'on s'accroche. Voici la langue portugaise enfin universellement fêtée à travers lui. Ce n'est pas rien, pour un pays longtemps traumatisé par des décennies de police politique et qui continue de vendre les bras de ses ressortissants les plus pauvres aux pays d'Europe qui les exploitent à bas prix. Le peuple a sa place dans l'œuvre de Saramago. Il ne l'idéalise pas. Simplement il en tient compte. Ainsi, paysans de l'Alentejo, marchandes des quatre saisons, soldats et femmes de chambre traversent ses livres, parlant peu mais vivants. » (extrait d’un article de Jean-Pierre Leonardini, L’Humanité 9 octobre 1998) Très engagé à gauche, José Saramago est très critique à l’égard de l’Union européenne telle qu’elle se construit. Il a également pris fermement position contre l’arrivée au pouvoir en 2002 du gouvernement de droite de José Manuel Durão Barroso. D'une façon générale, ses prises de position sont souvent à l'emporte pièce, mais, par les remous qu'elle font, ont au moins le mérite de lancer le débat. En juin 2004, il figurait sur la liste du Parti communiste portugais pour les élections européennes.

En mars 2002 à Ramallah, en tant que membres de la délégation du Parlement des écrivains, José Saramago, a commenté la situation des territoires occupés en déclarant notamment : « Ce qu'il faut faire, c'est sonner le tocsin, partout dans le monde, pour dire que ce qui arrive en Palestine est un crime que nous pouvons stopper. Nous pouvons le comparer à ce qui est arrivé à Auschwitz. » Un peu plus tard, il précisait à l'agence portugaise Lusa : « La répression israélienne est la forme la plus perverse de l'apartheid », après une longue description de l'état de désolation des zones qu'il venait de visiter : « Personne n'a idée de ce qui se passe ici, aussi bien informé que l'on soit. Tout est rasé par les bulldozers. Les villages palestiniens ont été détruits et on n'y cultive plus rien. » En réaction les libraires israéliens ont appelé au boycottage de ses livres qui sont très largement diffusés dans le pays.

Documentaire José e Pilar

Bibliographie :

Le Voyage de l'éléphant (Le Seuil, 2009) Les Intermittences de la mort (Le Seuil, 2008) La Lucidité (Le Seuil, 2006) L'Autre comme moi (Le Seuil, 2005) Pérégrinations portugaises (Le Seuil, 2003) La caverne (Le Seuil, 2002) Le conte de l’île inconnue Le Seuil, 2001) Manuel de peinture et de calligraphie (Le Seuil, 2000) Comment le personnage fut le maître (Mille et une nuits, 2000) Tous les noms (Le Seuil, 1999) Les poèmes possibles (Jacques Brémond, 1998) L' Aveuglement (Le Seuil, 1997 – 2000) L' Evangile selon Jésus-Christ (Le Seuil, 1993 - 2000) Histoire du siège de Lisbonne (Le Seuil, 1992 – 1999) Quasi objets (Salvy, 1990 - Le Seuil, 2000) Le Radeau de pierre (Le Seuil, 1990) L'Année de la mort de Ricardo Reis (Le Seuil, 1988 – 1992) Le Dieu manchot (1987 - Le Seuil, 1995 – Albin-Michel, 1998 – Le Seuil, 2000

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