vendredi 11 octobre 2013

L'apocalypse des travailleurs de Valter Hugo Mae

«je ne peux me payer que la mort, la vie est trop chère pour moi.»

Dans le choix des libraires

Maria da Graça est femme de ménage, marié à un marin médiocre qu'elle tente d'empoisonner, gentiment... Elle est au service de monsieur Ferreira, un vieux cochon qui la viole allègrement et régulièrement. Mais Maria trouve ça pratiquement normal, voire y prend même quelques plaisirs. En outre, l'homme est cultivé, et il lui parle de Goya, Rilke, Bergman ou Mozart, de grands hommes capables d'impressionner Dieu. Or Maria a maintenant quelques soucis avec Dieu, ou plutôt avec Saint-Pierre qu'elle rencontre chaque nuit dans ses rêves surtout après le suicide de Ferreira. Elle souhaite ardemment le rejoindre et Saint-Pierre n'est pas totalement convaincu («quel provocateur ce saint pierre, quel salaud») et ne lui prête guère attention mais Maria n'est pas femme à se laisser faire, "je ne suis pas femme à fuir mes obligations" ! La meilleure amie de Maria, Quiteria, est également femme de ménage. Même cruauté de la vie («... je ne peux me payer que la mort, la vie est trop chère pour moi.»), même âpreté et difficultés mais aussi même quête de bonheur, même désir de vivre, d'aimer et de sexe. Quiteria se prostitue et tombe amoureuse d'un Ukrainien étrange, déglingué vivant un exil douloureux. Seul le petit chien, Portugal, qu'elle a recueilli, semble serein et regarde tout ça avec calme sans porter aucun jugement. Un portrait cru et direct d'une société portugaise où le peuple se débat vigoureusement dans des difficultés immenses mais que la quête d'amour aide à survivre. Le style est vif, rythmé et singulier, l'humour décapant et les personnages atypiques et attachants. ■Les présentations des éditeurs : 20/06/2013 Maria da Graça est femme de ménage, elle a l'ambition de mourir d'amour. Elle rêve toutes les nuits qu'elle essaye d'entrer au paradis pour y retrouver monsieur Ferreira, son patron, qui, bien qu'avare et ayant abusé d'elle, lui parlait de Goya, Bergman ou Mozart, des hommes capables d'impressionner Dieu en personne. Mais les portes du paradis sont encombrées de marchands de souvenirs et saint Pierre la repousse à chaque fois. Elle verse aussi tous les soirs quelques gouttes d'eau de Javel dans la soupe de son mari. Ouitéria, son amie, se prostitue mais tombe amoureuse d'un émigré ukrainien désespéré. Comme Maria da Graça, tous les personnages de ce roman cherchent leur paradis et, pleins d'espoirs ou sans espoir, ils pensent que le bonheur vaut tous les risques, même s'il faut sauter allègrement dans l'abîme. V.H. Mãe dessine ici avec humour un portrait caustique et tendre de notre temps, à travers des personnages attachants qui avancent sur les chemins sinueux d'une société perturbée.

«Un livre majeur.» Diario de Noticias

«Éblouissant... L'originalité de la puissance créative de l'auteur est immense.» Expresso

«Un livre admirable dont la maîtrise stylistique nous manipule et nous enivre du début à la fin.» Publico

Valter Hugo Mãe est né en Angola en 1971 et vit actuellement au Portugal. Poète, musicien et performer, il a reçu le prix José Saramago pour son premier roman.

■La revue de presse Catherine Simon - Le Monde du 19 septembre 2013 Comment faire de l'or avec des clichés ? Comment faire de l'humain avec ces pantins aliénés, qui ont si bien assimilé les poncifs qu'on leur a collés sur le front ? En prenant ces clichés au sérieux, répond l'écrivain portugais Valter Hugo Mãe : en les faisant grossir sous la loupe de la fiction, puis en les retournant comme un gant, avant d'en tirer des histoires d'amour, tragiques et drôles, plus vraies que nature... Ecrit sans virgule et sans majuscule, le roman de Valter Hugo Mãe peut se lire comme un hommage au grand écrivain António Lobo Antunes qui, parmi les premiers, s'était proposé de " rompre avec la ligne droite du récit classique et l'ordre naturel des choses ". C'est sans effort aucun que le lecteur suit les démêlés de la tendre Maria et du suicidaire " Monsieur Ferreira " ; sans même y penser qu'il observe la longue marche de Quitéria et d'Andriy, tant l'écriture est à la fois fluide, entraînante, finement rythmée. L'Apocalypse des travailleurs, troisième volet d'une tétralogie, entamée en 2004 et achevée en 2010, est le premier roman traduit en français de Valter Hugo Mãe, né en 1971 en Angola. Son Apocalypse est l'une des plus réjouissantes découvertes de l'automne.

■Les courts extraits de livres : 20/06/2013 La nuit, Maria da Graça rêvait qu'à la porte du paradis il y avait des vendeurs de souvenirs de la vie sur terre, des marchands aux boniments hauts en couleur, qui cherchaient à attirer son attention en agitant les bras comme s'ils avaient du poisson frais à vendre, s'attroupaient autour de son âme et lui proposaient pour un prix modique des objets censés atténuer le grand manque dont souffraient les morts, les derniers charlatans, pensait-elle, gênée même d'avoir à penser après sa mort, ou de se dire que c'était peut-être une bonne chose qu'on lui offre avant son entrée au paradis la possibilité d'emporter avec elle un objet, une image matérialisée, quelque chose comme la preuve d'une vie antérieure ou d'une saudade extrême, elle leur demandait de la laisser passer, elle était pressée, elle insistait, ne savait pas trop ce qu'il convenait de faire et ne pouvait rien décider, rien de rien, elle était perplexe et ne voulait pas courir le risque cupide d'avoir à s'engager dans l'éternité à partir d'un acte de possession, gagnée par une compréhensible angoisse, anxiété ou excitation d'être là pour la première fois, elle gardait l'espoir que saint pierre puisse l'éclairer et, un pied dedans et l'autre encore dehors, de pouvoir acheter le requiem de Mozart, la reproduction des fresques de Goya ou l'édition française de à l'ombre des jeunes filles en fleur. Les portes du paradis étaient basses, contrairement à ce à quoi on pouvait s'attendre, il fallait se pencher considérablement pour passer, et dans la foule de ceux qui se démenaient pour qu'on s'occupe d'eux, la confusion était dramatique, créant de la violence et faisant s'élever de fréquents nuages de poussière, maria da Graça avait échappé aux vendeurs et elle essayait de calculer de quel côté de la place elle devait se diriger pour être sûre d'atteindre l'entrée, ce ne serait pas facile de parcourir ces cent mètres sans être bousculée, ou pire, sans être prise pour un de ces excités, et de se trouver ainsi obligée de demeurer à l'extérieur furieuse pour l'éternité. Ils ne resteraient pas ici éternellement, pensa-t-elle, ils allaient continuer vers l'enfer, traînés par l'oreille comme des mal élevés, peut-être une fourgonnette passerait-elle et les ramasserait comme des chiens errants, des hommes en sortiraient pour prendre en chasse ceux qui se trouvaient dans ce cul-de-sac, les capturant à l'aide de grands filets qui les immobiliseraient, la place serait nettoyée pour un moment. Maria da Graça suivait son chemin en essayant le plus possible de longer les murs, convaincue qu'étant décédée d'une façon si terrible, elle mériterait tous les pardons et serait admise au paradis, Maria da Graça se présenta ainsi, j'étais employée de maison, oui, femme de ménage, comme si elle n'était femme que de temps en temps, le temps de faire le ménage, et saint pierre lui demandait, qu'est-ce que cela veut dire, et elle répondait, c'est monsieur Ferreira qui m'a tuée, depuis longtemps il me faisait du mal et je me disais que cela devait arriver, saint pierre s'inclinait, la tête en arrière et le ventre en avant, et riait en disant, mais madame, cela n'a aucune importance à présent, les morts sont tous pareils, ils n'ont pas de profession et ce qu'ils ont appris à faire ne leur sert à rien, ou alors vous croyez qu'il y a ici des chambres à nettoyer, Maria da Graça insistait, mais je suis morte sans le vouloir, c'est le vieux, pour moi je serais (...)

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